UN PLAN DE RELANCE EUROPÉEN À LA PETITE SEMAINE, par François Leclerc

Billet invité.

Les négociations sur le Brexit entament leur énième saison, mais une autre série à succès va démarrer. Le sommet européen de décembre va donner à contretemps le coup d’envoi des tractations qui vont porter sur la reconfiguration de la zone euro, et pour commencer sur la proposition de la Commission.

La période ne s’y prête pas, étant donné la confusion politique qui règne à Berlin, les pourparlers en vue de reformer une grande coalition s’annonçant tendus et pouvant aboutir, s’ils achoppent, à la formation par défaut d’un gouvernement minoritaire de la CDU-CSU soutenu par le SPD. Mais, en toile de fond, la perte d’influence d’Angela Merkel est déjà sensible, tant dans son parti où l’aile droite s’enhardit que dans le pays où son usure due à une longue fréquentation du pouvoir se fait sentir. L’entrée de l’AfD au Bundestag et le score du FDP sont rétrospectivement les plus importants enseignements des dernières élections, avec lesquels l’Union européenne toute entière va devoir compter, les deux formations s’opposant à la reconfiguration de l’Europe qui va être tentée.

C’est dans ce contexte d’incertitude dont on ne sait pas combien de temps il va durer que la Commission va abattre ses cartes. Le quotidien espagnol El Pais a dévoilé la teneur de ses propositions, dont la mesure la plus spectaculaire est la création d’un poste de ministre de l’économie, également vice-président de la Commission et représentant de l’Europe au sein des grands forums internationaux comme le FMI ou le G20.

La mutation du Mécanisme européen de stabilité (MES) est maintenue, avec pour missions supplémentaires de représenter un filet de sécurité financier à la fois pour les banques et les États (se substituant au FMI à cet égard). La France et l’Italie disposeraient en son sein d’un droit de véto aux côtés de l’Allemagne. Autre nouveauté, le MES pourrait se financer sur les marchés, ce qui reviendrait à émettre des euro-obligations ne disant pas leur nom…

En complément, un budget dédié viserait à assurer la stabilisation de la zone euro dans le cas où un pays ferait face à un choc asymétrique – une modification brutale du niveau de la demande ou de l’offre – ou bien afin de soutenir l’investissement dans le cas d’une récession.

Les angles ont été un peu arrondis, mais les autorités allemandes ne se reconnaitront pas dans ce dispositif, et il serait invraisemblable qu’un gouvernement provisoire chargé des affaires courantes puisse prendre position. D’autant que le scandale du vote inattendu et contraire aux usages d’un ministre de la CSU qui a permis de prolonger de 5 ans l’usage du glyphosate (1) est encore tout frais.

Emmanuel Macron, qui voulait profiter d’une fenêtre d’opportunité ronge son frein, se contentant d’enregistrer les déclarations de Martin Schulz en faveur d’un budget commun à la zone euro afin de favoriser l’investissement et d’un ministre commun des finances. Mais elles restent très générales. Comme Angela Merkel, le dirigeant du SPD veut conserver des billes vis à vis du président français, mais c’est d’abord avec la chancelière qu’il conviendra des avancées à concéder le jour voulu. Cela n’ira pas très loin.

Dans l’immédiat, les grandes envolées sur la nécessité de doter les institutions européennes d’un fonctionnement plus démocratique sont passées à l’as. Le renforcement du rôle de l’Eurogroupe et de son président, ou bien celui du MES, n’y contribuent pas spécialement. Et il n’est pas question de plan global de relance de l’investissement assorti d’un budget en conséquence.

Rien de tout cela n’est propre à susciter un nouvel élan européen et à contrer l’europhobie qui se manifeste.

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(1) Peut-on rapprocher le vote du ministre avec le fait qu’il est originaire de la Bavière, la région la plus agricole de l’Allemagne, et que le groupe allemand Bayer est en passe d’acheter Monsanto, le fabricant de ce produit employé dans l’agriculture et suspecté d’être cancérigène ?